Je reproduis ici des extraites d’un livre remarquable de Marie-Christine Ceruti-Cendrier, Les vrais rationalistes sont les chrétiens, vendu sur Résistance21 qui montre les impasses dans lesquelles la pensée athée ou agnostique s’enferme et le pouvoir d’intimidation qu’elle continue s’exercer.
Ces extraits sont tirés d’un chapitre intitulé « Le refus de la finalité » qui révèle l’incohérence profonde sur lequel repose ce refus, notamment dans le domaine scientifique. Incohérence qui n’épargne pas les philosophes catholiques.
Marie-Christine Ceruti-Cendrier commence par citer Tony Rothman, un astrophysicien américain ayant enseigné à Harvard :
« il n’y a pas un grand pas du principe anthropique fort à l’argument du dessein. Vous savez l’argument du dessein : il dit que l’Univers a été fait avec une grande précision, et que s’il avait été ne serait-ce que légèrement différent, l’homme ne serait pas là. Par conséquent, quelqu’un doit l’avoir fait. Même lorsque j’écris ces mots mon stylo regimbe, parce qu’en tant que physicien du 20e siècle je sais que le dernier pas est un bond de la foi, non une conclusion logique. Quand on est confronté avec l’ordre et la beauté de l’Univers et les étranges coïncidences de la nature, il est très tentant de faire le bond de foi de la science à la religion- je suis sûr que beaucoup de physicien désirent le faire. Je souhaite seulement qu’ils l’admettent ». Ce qu’il faut relever, précise –t-elle « c’est l’affirmation que nous avons soulignée, qui veut qu’il y ait un bond- et un bond qui ne relève pas de la logique – à passer de cette constattion à l’existence d’une organisation ingénieuse à l’existence d’un ingénieur, et par surcroît que c’est en tant que savant, que scientifique, qu’il faut reconnaître l’absence de logique de cette déduction. Autrement dit la science et la logique refusent un tel pas. Et comme aujourd’hui seul a valeur de vérité ( et encore…) ce qui est scientifique et « logique », la valeur d’un tel pas, au point de vue de la vérité est nulle. »
Pour réfuter cette assertion, madame Ceruti prend l’exemple d’une chambre que l’on quitte en parfait désordre et que l’on retrouve minutieusement rangée à notre retour. Il n’y a alors aucun doute à avoir : « quelqu’un est venu. Il n’y a aucune faute logique à faire ce raisonnement. Si Reeves ( Patience dans l’azur, p.193) nous dit que le diamant de la tour de Londres pourrait se retrouver dans sa poche par un concours absolument exceptionnel de circonstances, il n’est pas possible d’aller indéfiniment plus loin et de dire que ce diamant se trouve dans sa poche et qu’un nombre extraordinaire de coïncidences arrivent en même temps…qu’il se mette à pleuvoir des billets de banque, et qu’en même temps la Tamise se transforme en or liquide, le tout ensemble et par hasard. Il est encore plus impossible que les évènements heureux s’enchâssent les uns dans les autres à l’infini, se suivent, se complètent, s’adaptent les uns aux autres de façon fortuite, comme ce serait le cas pour l’apparition des êtres vivants qui de plus se complètent et se « nécessitent » les uns les autres. Or la maison rangée accidentellement et même le dimant dans ma poche ont plus de chance d’apparaître fortuitement que le moindre être vivant.si bien que logiquement, rationnellement il n’y a pas plus de bond à dire que quelqu’un est passé pour ranger ma maison, ou qu’une montre trouvée dans un désert a bien dû être fabriquée par quelqu’un, que de dire devant l’immense complexité, la fantastique organisation de l’univers ou du moindre être vivant que cela a bien dû être aussi fabriqué par quelqu’un. C’est logique et il n’y aucune faute de raisonnement à l’affirmer. »
Pourtant c’est bien la position de la pensée commune, savants et philosophes catholiques compris. Elle est souvent justifiée par de purs sophismes. C’est ainsi que Jacques Demaret ( cosmologiste qui enseigne à l’Université de Liège) et Dominique Lambert, Docteur catholique en science physique et en philosophie chargé de cours aux facultés Universitaires de Namur reprennent à leur compte l’oukase en le justifiant par des procédés sophistiques. Dominique Lambert : « Nous constatons aujourd’hui que l’Univers semble réglé avec une extrême précision. Cela ne suffit pas à établir scientifiquement que ce réglage relève d’une intention. Prétendre que ce réglage relève d’une intention ne relève pas du discours scientifique : la cause du réglage n’est pas immédiatement accessible par les données sensibles. Nous ne connaissons pas les règles du jeu. » Jacques Demaret : « Une explication de type finaliste serait donc une explication qui assigne une fin, un but, à un phénomène ou à un système »
Or, commente madame Ceruti , « …là nous avons une expression équivoque. S’agit-il d’une assignation a priori ou a posteriori ? Dans le premier cas nous avons affaire à une affirmation arbitraire précédant l’analyse scientifique( a priori donc) et bien évidemment non scientifique. Dans le deuxième il s’agit de passer de l’analyse scientifique aux conséquences qu’elle implique a posteriori. Et la question posée et débattue ici est : ce passage est-il licite logiquement ?
Jacques Demaret : « …or une telle proposition apparaît d’emblée tout à fait contraire à la démarche scientifique. » Et ici Demaret opère le glissement abusif de répondre à la question posée sur le passage a posteriori ( « établir que le réglage – déjà constaté sans préjugé – dérive d’une intention ») en lui appliquant comme sujet le passage a priori « qui assigne ( d’avance donc : assigner c’est donner comme ordre ou comme mission, c’est attribuer volontairement si ce n’est arbitrairement, et non tirer des conclusions) une fin, un but, à un phénomène ou à un système ». C’est changer les données du problème. Si je pose a priori que la terre a été faite et prévue pour l’homme et ensuite que je « fourre » d’office toutes les données vraies, fausses ou « arrangées » pour le démonter, si je force les faits à entrer dans le corset de fer d’une théorie pré-imposée – ici justement la finalité de la terre et de l’univers conçus pour l’homme -, je ne fais pas un travail scientifique. Si au contraire sans aucun présupposé je constate qu’il y a un ordre, que le hasard ne peut pas en être la cause et qu’il faut quelque part qu’il y eu une organisation, est-ce que je fais un travail ascientifique, illogique alors que dans tous les autres cas – ceux où l’existence divine n’est pas impliquée – ce genre de déduction est considérée comme parfaitement rationnel ? »
Et Marie-Christine Ceruti-Cendrier de citer Denton « nous savons à présent que l’existence de la vie dépend d’une longue série d’ajustements simultanées et étonnamment précis dans les propriétés physiques et chimiques d’un grand nombre de constituants cruciaux de la cellule : adéquation de l’eau pour une forme de vie fondée sur le carbone, adéquation simultanée de la lumière solaire et de la vie ; adéquation de l’oxygène et des oxydations comme source d’énergie pour une forme de vie fondée sur le carbone ; adéquation du dioxyde de carbone pour l’excrétion des produits de l’oxydation du carbone : adéquation du bicarbonate comme tampon pour les systèmes biologiques ; adéquation de la lente hydratation dioxyde de carbone ; adéquation de la bicouche lipidique comme structure délimitant la cellule ; adéquation simultanée de l’ADN et des protéines, ainsi que parafait ajustement topologique de l’hélice alpha des protéines au sein du grand sillon de l’adn, et, presque dans tous les cas, ces constituants de la cellule sont les seuls candidats disponibles pour leur rôle biologique, et chacun d’eux paraît en même temps magnifiquement convenir pour cet objectif particulier. » (M.Denton, l’évolution a-t-elle un sens ?)
Pourquoi alors ce terrorisme intellectuel sévissant même chez des penseurs catholiques ? Parce que c’est aller à l’encontre d’une opinion fausse sur laquelle repose tout le système, la notoriété et les crédits qui vont avec. En fin de compte c’est le monde de la pensée dominante qui tombe sous le coup des reproches qu’elle fait aux partisans de la finalité. C’est elle qui procède par a priori pour circonscrire ce qui est scientifique à ce qu’elle a défini à l’avance comme tel. Analysant le livre de Jacques Monod (Le hasard et la nécessité) Claude Tresmontant débusque la forfaiture intellectuelle : « Tout le raisonnement qui sous-tend son livre va se dérouler de la manière suivante : 1) La méthode expérimentale exclut la recherche de la finalité, du projet dans la nature. 2) Donc, en réalité, il n’y a pas de finalité, pas de projet dans la nature. 3) S’il n’y a pas de finalité, ni de projet dans la nature, c’est-à-dire s’il n’y aucune intelligence créatrice et organisatrice à l’œuvre dans la nature, alors l’œuvre de création, de composition, d’invention que nous constatons dans la nature ne peut être que l’œuvre du hasard. Le hasard est donc le seul créateur de l’information, la seule source de toutes ces invention que sont les millions d’espèces vivantes, y compris l’homme. »(Les problèmes de l’athéisme) « M.Monod a constaté que la science expérimentale en tant que telle, depuis le XVIIe siècle, se détourne de plus en plus de la recherche de la finalité dans la nature. Il en déduit qu’en réalité il n’y a aucun projet dans la nature, aucun dessein poursuivi, et donc aucune intelligence créatrice ni organisatrice. La déduction est hardie.M. Monod est passé d’une constatation méthodologique à une affirmation ontologique, qui est, parlons clair l’athéisme. » (Ibi)
Ce travail de construction a priori est le propre de la démarche propre de l’athéisme et non celle de la métaphysique réaliste reconnue par l’Eglise : « il ne faut pas, comme l’a fait trop souvent l’athéisme à travers les siècles, depuis Parménide jusqu’à Engels, partir d’un présupposé ontologique qui implique l’athéisme, et ensuite ou bien récuser l’enseignement de l’expérience ou bien s’efforcer de fourrer à tout prix l’expérience dans le corset de fer qu’implique ce présupposé, même s’il est nécessaire, pour y parvenir, de forcer un peu, ou beaucoup, en niant la portée de telle découverte scientifique, ou en écrasant le réel pour le faire entrer dans la philosophie qu’on a construire au préalable. »( Tresmontant, Les problèmes de l’athéisme)
Conclusion : « Si seulement le monde n’existait pas, en effet, l’athéisme serait plus facile à penser »(Ibi)
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